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5 avril 2009 7 05 /04 /avril /2009 02:43

L'émission animée par  Guillaume Durand, L'objet du scandale, est consacrée à la corrida dimanche 5 avril. Les taurins conviés sur le plateau ont exigé et obtenu l'éviction de Christian Laborde, auteur d'un tonique pamphlet contre la corrida à paraître la semaine du 6 avril, Corrida, basta, ainsi que des associations spécialisées dans la lutte contre la corrida. Une nouvelle occasion de s'interroger sur la mentalité du monde de la corrida, mais aussi sur la façon dont les émissions basées sur la polémique fabriquent leur plateau.

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L'Objet du scandale est une émission animée par Guillaume Durand qui, le dimanche à 16h10, entre deux tranches du consensuel Vivement Dimanche, oppose depuis septembre 2008 des invités sur un thème polémique. L'émission du dimanche 5 avril, enregistrée le 31 mars, porte sur la corrida, sujet polémique s'il en est par les interrogations qu'il porte sur la violence humaine.

L'écrivain Christian Laborde a justement écrit un virulent pamphlet contre la corrida, Corrida, basta !,  à paraître chez Robert Laffont dans la semaine du 6 avril. Il y dénonce avec verve cette pratique qui vient salir son Sud. Fort logiquement, il était prévu qu'il vienne défendre son point de vue, dans le cadre d'un débat entre taurins et antitaurins.

Mais les représentants du mundillo, le petit monde de la corrida, pressentis pour l'émission, n'ont pas accepté la présence de Christian Laborde et ont exigé son éviction.
L'équipe de L'objet du scandale a donc signifié à celui-ci que sa participation n'était plus de mise.

C'est au prétexte de sa violence littéraire que les taurins ont récusé la présence de Christian Laborde.

Celui-ci n'a certes pas la métaphore flaccide : « Défenestrons le Sud de la mort et dézinguons la corrida ! Ouvrons le feu, vidons nos kalachnikovs, nos flingues planqués dans nos greniers  sur la racaille confessée qui se rend aux arènes ! », lit-on déjà sur son site.

Il précisait dans un interview au Point : « J'ai écrit ce livre avec un kalachnikov et un saxophone ténor. Le kalachnikov, c'est pour les toreros et les aficionados. Le saxophone, c'est pour le taureau. »

Même les mal-comprenants auront saisi qu'il s'agit de feu verbal, et que les kalachnikovs et les flingues sont nos langues, nos stylos, nos claviers, ou nos caméras...
L'écrivain
soulignait, à l'issue de cette curieuse décision de l'équipe de Guillaume Durand, qu'une métaphore kalachnikovienne est moins mortelle qu’une épée enfoncée dans un taureau.
 

Par ailleurs, les taurins ont exigé et obtenu qu'aucune association de lutte contre la corrida ne soit conviée sur le plateau. 

Ainsi, la composition du plateau lors de l'enregistrement de l'émission mardi 31 mars au soir était la suivante :

Pour les pro-corrida :

- André Viard, ex-torero, chroniqueur taurin,
- Francis Wolf, auteur de "Philosophie de la corrida",
- Simon Casas, ex-torero, directeur des arènes de Nîmes,
- Philippe Caubère, comédien,
- Marie Sara, ex-torera, éleveuse de taureaux,

et le jeune torero Julien Lescarret pour une démonstration "de salon".
Pour les anti-corrida :
- Marie-Claude Bomsel, vétérinaire, chroniqueuse sur France 2,
- Elisabeth Hardouin Fugier, historienne, auteur de "L'Histoire de la corrida en Europe",

- Bernard Maris, économiste,
- Francis Lalanne, chanteur,
- Laurent Baffie, animateur.
 

Richard Vial, le chef de plateau de la société de production Téléparis qui fabrique cette émission pour France 2, avait écrit le 26 mars à la présidente de l'Alliance Anticorrida, une importante association d'opposition à la corrida, qu'elle était persona non grata. On y pouvait lire les phrases suivantes :

« En effet, vous nous sembliez être une intervenante intéressante mais suscitant un certain “émoi” chez nos amis taurins. Ils comprennent que nous devions équilibrer les avis, mais ne veulent plus d’un débat qui frôle l’hystérie, nous non plus d’ailleurs. »

« Christian Laborde, que j’ai eu au téléphone, me semblait être un Monsieur correspondant au profil, mais d’autres invités ayant eu accès à des extraits, même s’ils accordent la dimension d’exercice de style, ont étés quelque peu rebuté par le champ lexical guerrier. »

« C’est pourquoi nous nous orientons vers des professionnels plutôt que des associatifs. »
 

Ainsi, la société Téléparis reconnaissait benoîtement qu'elle avait accordé un droit de regard sur la constitution du plateau à l'une des parties, pour le tournage d'un débat contradictoire. No comment.

Quant aux « professionnels » préférés aux « associatifs », il s'agit d'une curieuse explication pour la présence de Francis Lalanne et de Laurent Baffie, quelles que soient par ailleurs leurs qualités. Et je ne pense pas que l'excellent Bernard Maris soit un spécialiste des déficits tauromachiques comblés par l'argent des contribuables.
Du côté des taurins, on constate en revanche la présence sur le plateau d'enregistrement d'André Viard, président de l'Observatoire des Cultures Taurines (et de Francis Wolff, un vice-président). Cet "Observatoire" est une association 1901 créée voici un an, qui regroupe les divers intervenants du "mundillo" français dans un but explicite de lobbying.
 

Le 26 mars, André Viard avait de son côté envoyé un mail victorieux aux « membres fondateurs » de son association. On y note en particulier les phrases suivantes :

« Nous avons donc obtenu dans un premier temps qu'aucune [association antitaurine] ne soit invitée, ce qui, d'un point de vue stratégique, constitue une grande victoire. »

« Nous avons donc informé la production que nous ne participerions pas à l'émission si ce monsieur [Christian Laborde] en était l'invité, libre à elle de choisir le débat qu'elle souhaitait présenter. »

« Plus un quatrième intervenant "contre"... qu'on nous a demandé de proposer (!) Nous avons suggéré la SPA. »

On peut retrouver les mails de Richard Vial et d'André Viard révélés en fin d'un appel, émis par l'Alliance Anticorrida à destination de sa liste de diffusion.

Pour résumer, les représentants de l'association de lobbying regroupant les associations taurines ont non seulement fait évincer Christian Laborde, mais ont exigé et obtenu qu'aucune association antitaurine ne soit sur le plateau.
 

La censure est une attitude assumée par M Viard et consorts. Celui-ci, récapitulant récemment les exploits qu'il attribue à son lobby depuis sa création, revendique explicitement :

-  la censure médiatique :

« Des spots anti corrida programmés dans les cinémas de Dax et Bayonne ont été déprogrammés. »
- les entraves au droit de manifester :
« - L’Observatoire a obtenu des pouvoirs publics que la manifestation des anti taurins à Dax soit interdite à l’intérieur d’un périmètre de 500 mètres autour des arènes. Les retombées médiatiques de la manifestation ont été très faibles pour les associations anti taurines, sans commune mesure avec ce qui s’était passé l’année précédente.
- L’Observatoire a demandé à l’UVTF [Union des Villes Taurines Françaises] de préconiser cette mesure de prévention auprès de toutes les villes membres, ce que celle-ci a fait par courrier. »


Bien entendu, la révélation de ces « dessous de plateau » à propos de l'émission animée par Guillaume Durand suscite une vague d'indignation chez les opposants à la corrida, qu'il s'agisse des sympathisants de l'
Alliance anticorrida, mais aussi du CRAC et bien entendu de la FLAC, la Fédération des Luttes pour l'Abolition des Corridas. De nombreux courriers et de nombreux appels de protestation parviennent à France Télévision et Téléparis, la société de production qui fabrique l'émission. 


Téléparis
pourrait reconnaître avoir mal géré cette affaire, personne n'est infaillible. Au lieu de ça, la société de production tente de détourner l'attention de son manquement déontologique en faisant courir le bruit d'incidents lors du tournage, ou de menaces téléphoniques, avec le
relais complaisant de certains médias.

C'est bien connu, la meilleure défense, c'est l'attaque. Les taurins se sont d'ailleurs fait une spécialité de la disqualification de leurs contradicteurs faute d'avoir des arguments cohérents à leur opposer.

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